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2 juillet 2009 4 02 /07 /juillet /2009 23:25

Ariela Palacz, Il fait jour à Jérusalem. Paris, Pologne, Jérusalem, Kfar Adoumim : Edition Ivriout, 2004, Collection Témoignage et identité, suivi de L’Exil des orphelins

 

 

 

 

Ariela Palacz n’est pas une rescapée de la Shoah. Elle fut une enfant cachée, abandonnée et christianisée à l’Assistance publique (aujourd’hui la D.A.S.S.-Direction départementale de l’Action sanitaire et sociale), à Paris, puis en Province. Comme d’autres enfants qui ont plus tard créé l’association Aloumim en Israël, elle fut laissée et déposée à l’Assistance publique. A l’âge de 8 ans, elle n’avait pas compris pourquoi. Dans son livre elle se souvient, et raconte.

 

Emouvant, son petit ouvrage de 110 pages a quelque chose des récits de souvenir de la dernière guerre mondiale. Comme Elie Wiesel dans Une nuit ou Aharon Appelfeld dans son Histoire d’une vie, elle témoigne simplement de son vécu. Sans avoir été ni déportée ni cachée dans des forêts d’Ukraine, et sans être non plus un auteur de renommée internationale, Ariela Palacz (autrefois Paulette Szenker) réussit néanmoins à nous toucher. Elle nous fait comprendre aussi l’intérêt qu’elle porte à Israël en général et à Jérusalem en particulier où elle immigre en 1970, à 36 ans avec son mari et ses deux enfants. On est sensible aussi dans son livre au fait qu’Israël soit le seul Etat à caractère et à l’héritage juif, le seul où les fondements et les valeurs peuvent s’inspirer en droite lignée de l’histoire, de la tradition et de la culture juive. C’est cette culture qu’elle porte en elle lors de son voyage en Pologne en 1993, pour le 50e anniversaire de la révolte du ghetto de Varsovie. Cette visite constitue toute la deuxième partie du livre. Il n’est plus alors témoignage mais sentiment, celui d’une ancienne fillette cachée qui retrouve le destin qu’a connu sa famille, celui de ses oncles, de ses tantes, de ses cousines, et de sa mère, mais auquel, elle, a échappé. Les mots qu’elle a pour la « terre de Pologne » ne sont pas doux. Sans vraiment polémiquer, elle a du mal à supporter les interdits pour raisons de sécurité faits au groupe, dus à une population locale hostile. Elle a du mal à se faire aux habitants avoisinants le ghetto, les camps de concentration, les camps d’extermination, et si passifs. Elle a du mal aussi avec une Pologne qui en 1946, après la guerre, continue à massacrer les juifs qui pensaient retrouver leur terre. Des questions que chaque visiteur honnête se pose, des réactions naturelles face à si peu de réponses.

 

Enfin, Ariela Palacz nous conte son retour à l’orphelinat, témoignant dans sa propre école de son histoire et ainsi, bouclant la boucle.

 

Touchante, l’histoire d’Ariella Palacz est parfois faite lire à de jeunes groupes en visite en Israël. Ce n’est pas le meilleur livre du genre, ce n’est pas le plus mauvais non plus, c’est un tout petit ouvrage mais c’est le témoignage d’une femme simple qui s’est trop longtemps tue, et qui un jour a décidé de raconter, de ne pas oublier, et de vivre. C’est cette volonté et cette beauté existentielle que nous saluons.

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2 juillet 2009 4 02 /07 /juillet /2009 17:22

Alain Soral, La Vie d’un vaurien, Paris : La Flèche, 2001 [1991]

 

 Alain Soral. La vie d'un vaurien

 

 

A force de mater les vidéos d’Alain Soral sur You Tube et Dailymotion, il fallait bien un jour lire un de ses livres. Loin de sa nouvelle carrière politique, de ses exploits avec Dieudonné ou Le Pen ou de ses analyses non dépourvues d’intérêt, malgré quelques gros excès assez peu pardonnables, j’ai voulu jeter un coup d’œil à son œuvre littéraire. C’est aussi grâce à elle qu’il s’est fait connaître, et non pas seulement par son passage au PCF. C’est au hasard que je suis tombé sur La Vie d’un vaurien, un petit livre de 142 pages, écrit entre 1988 et 1990 et publié pour la première fois en 1991. C’est à la suite du succès de deux autres livres : Les Mouvements de mode expliqués aux parents et Sociologie du dragueur, et de son film Confession d’un dragueur, tiré en partie de ce roman, que Soral a choisi de rééditer ce petit roman de ses débuts. Il y est aussi question d’une bande de dragueurs parisiens de style un peu bourgeois, dont Louis, le narrateur qui ne pense qu’aux boîtes, à ses « Que sais-je ? », à écrire ses quelques mots littéraires ou philosophiques sur son cahier, et surtout à « tirer », les filles bien entendu.

 

Dans la préface à l’édition de 2001, Soral raconte l’accueil de son manuscrit  par différentes maisons d’édition en 1990, avant sa publication. Sur une douzaine de réponses négatives, il souligne l’envoi d’ « une ou deux lettres très dures émanant de petites connes lectrices (genre nièce kagneuse du patron de la boîte) [lui] conseillant sèchement d’aller tenter [sa] chance du côté des métiers manuels. » Leur jugement était à mon avis sévère, trop sévère. Qu’on aime ou n’aime pas Soral ou son œuvre, il a indéniablement un certain talent. Mais je crois aussi savoir pourquoi La Vie d’un vaurien a pu déplaire à des lectrices féminines. C’est qu’il est des livres qui plaisent plus aux hommes et qui sont pensés par des hommes, pour des hommes. A mon sens, celui-ci en est. Car ce sont des fantasmes masculins qui y sont contés. La drague sévère, les sorties, les soirées, mater les filles, ne penser qu’à se les faire et s’en désintéresser une fois ceci fait : tels sont des comportements d’hommes et des mentalités masculines. On se croirait même parfois franchement en plein scénario de films X californiens avec toutes les scènes qui les définissent : la MILF (la scène la plus torride à mon avis), les jeunes anglaises, l’allemande, la beurette ou encore l’orgie générale accompagnée des lectures de Louis sur la sexualité. Ou bien dans ces films pour adolescents type American Pie, où tout tourne autour de celui qui en mettra le plus dans son lit. Si on omet le temps qui passe, en fait assez long, Louis peut faire penser à ce beau gosse qui dans Eskimo Limon, un film israélien du même genre, se tape toutes les belles filles, vraiment toutes, n’en laissant aucune à ses copains, car aucune ne lui résiste.

 

Par là même La Vie d’un vaurien est à la fois excitant, et décevant. Heureusement l’univers décrit et le rapport à la littérature et à la connaissance d’un narrateur intellectuel à ses heures perdues ajoutent quelque chose de plus qu’aux films précités.

 

Le Livre est court et se lit vite. Et après ça, l’envie me tente d’essayer un autre Soral.

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10 juin 2009 3 10 /06 /juin /2009 12:09

Avraham B. Yehoshua, Le Responsable des ressources humaines, Paris : Calmann-Lévy, mai 2007, 279p., roman traduit par Sylvie Cohen, publié en hébreu dès 2004

 

 Avraham B. Yehoshua. Le Responsable des ressources humaines

 

 

Passion en trois actes. C’est le sous-titre de l’ouvrage. Chacun narre un processus différent, une situation, un moment, et aussi plus ou moins un lieu différent. Le premier, nommé ‘Le Responsable’ pose les lieux, le décor, l’univers du livre, et l’origine du drame qui fait toute l’histoire, un attentat à Jérusalem. Le second acte décrit la mission de ce Responsable des ressources humaines, envoyé jusque dans une ancienne république soviétique non nommée, devenu émissaire et représentant de la grande usine de fabrication de pain du pays, accompagnateur du cercueil de la défunte Julia Ragaïev, ancienne employée de l’usine et victime de l’attentat. Enfin le troisième acte est-il celui du voyage entrepris par la petite troupe de personnages qui participent de près à toute cette histoire : le responsable bien sûr, le journaliste dit la vipère et son photographe, le mari de la consule d’Israël et le fils de la défunte. Au final une belle histoire d’aventures partie de rien, ou presque.

Avraham B. YehoshuaAvraham B. Yehoshua, l’un des auteurs israéliens les plus connus dans le monde, réussit donc à nous plonger dans un nouveau récit, facile à lire, modeste par sa longueur et par ses ambitions. Autant le dire tout de suite, on ne trouvera pas là un chef d’œuvre de la littérature, ni même franchement le meilleur livre de l’auteur, mais simplement un livre charmant, agréable, balancé entre la dure réalité, l’évasion, la réflexion.

L’histoire est donc celle d’une jeune femme, d’une grande beauté aux relents « tatares » nous dit-on, qui trouve la mort lors d’un attentat à Jérusalem. Mais sans famille et amis dans le pays, personne ne viendra la chercher à la morgue. Ce n’est que l’article plutôt accusateur d’un journal local qui poussera l’entreprise qui l’engageait un mois avant sa mort, et qui n’avait nulle connaissance de cette dernière, à entreprendre des recherches. C’est dès lors que la passion du Responsable des ressources humaines pour cette morte, dont il ne se rappelait même pas l’avoir engagée commence.

Et derrière cette histoire se profile aussi une réalité israélienne des années 2000. L’histoire d’une immigrante seule, délaissée par une famille dénuée d’intérêt pour ce pays « dangereux », et délaissée jusqu’à sa mort par son pays d’accueil où elle ne trouve en vérité que la mort. L’histoire d’une industrie israélienne à qui la crise profite. L’histoire d’un journaliste à l’affut du scoop et du manque d’humanité des autres, mais peu soucieux du sien. Et l’histoire d’un Responsable, divorcé, qui voit rarement sa fille et qui le vendredi soir fait la tournée des bars à la recherche d’une nouvelle compagne.

Bref Avraham Yehoshua nous plonge encore une fois dans deux mondes.

D’une part celui de la littérature dans laquelle il s’exerce à nouveau à quelques jeux littéraires. Dans L’Amant par exemple en 1977, il présentait la même action sous l’œil de différents personnages, ici le lecteur découvre à plusieurs reprises un autre narrateur, différent en fonction du lieu et de la situation, pas toujours reconnaissable, sur de très courts passages. On pourrait presque croire que l’auteur s’amuse à inventer quelques trucs à chaque ouvrage afin de troubler la vision du lecteur. Mais tant que c’est réussi, on ne s’en lasse pas.

D’autre part l’auteur nous présente un aspect d’Israël, encore un autre, et un aspect du monde juif, en rapport le second avec le premier. Toute l’histoire tout comme la fin laisse assez perplexe. J’aurais tendance à conclure que face à la tragédie de l’histoire, les personnages s’amusent, et face à la mort, ils s’aventurent. La fin irait dans le même sens, rien n’est fini, mais on continue.

Je vous laisse découvrir le pourquoi de mon propos.

 

Gad.

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25 octobre 2008 6 25 /10 /octobre /2008 00:02

Caroline-Fourest.jpgJournaliste à Charlie Hebdo – journal satirique sous la direction de Philippe Val actuellement poursuivi au tribunal pour la publication de caricatures de Mahomet -, rédactrice en chef de la revue Pro – choix et auteur de Tirs croisés en 2003 et de Frère Tariq en 2004, où elle dénonce le vrai visage de Tariq Ramadan – qui a toujours refusé de débattre avec elle -, Caroline Fourest, entreprend dans son dernier petit essai, de dénoncer cette fois, la « tentation obscurantiste » d’une certaine gauche, dont elle entend se démarquer.  La dérive d’une deuxième gauche, radicale, révolutionnaire, altermondialiste, vers une nouvelle forme de totalitarisme, fourvoyant avec l’islamisme, qu’elle décrit, nous paraît juste et précise. A vrai dire, on finit même par se perdre au milieu de tous les noms qu’elle cite, ou de toutes les associations dont elle souligne la dérive, telles que le MRAP bien sûr, Une Ecole pour tous, les Etudiants musulmans de France, ou la revue Nouvelles questions féministes et les propos de sa fondatrice Christine Delphy … etc … Il serait bien entendu trop long de les citer tous. L’analyse qu’elle fait de la tentation de certains milieux tiers – mondistes à s’allier avec des islamistes, comme à Durban en 2001, ou au Forum social européen à Londres tenu du 14 au 17 octobre 2004, est pertinente. Les dérives communautaristes, le soutien aux Frères musulmans ou à la vision rétrograde des islamistes parce qu’opposants au capitalisme, à l’Amérique, et parce que figure de l’Autre, victime car non blanc[1], ne fait pas de doute chez certains. Son analyse du jeu et de la concurrence entre sensibilités dites « anti – colonialistes » et « anti – fascistes » au sein de la gauche dite « progressiste » et au sein d’une même personne, est fortement intéressante. A ce titre, cet essai est à mettre en relation, d’une part avec Le sanglot de l’homme blanc de Pascal Bruckner[2], d’autre part, sans doute, au Socialisme des imbéciles, plus marqué sur l’antisémitisme, d’Alexis Lacroix[3].

 

Caroline Fourest . La tentation obscurantisteInutile de revenir plus encore sur cette alliance d’une partie de la gauche militante avec les islamistes, alliance où les premiers seront bien plus les pions des seconds, que l’inverse, selon l’auteur. Pour un refus de l’utilisation simpliste du mot « islamophobie » comme une forme de racisme, au lieu de la critique d’une idéologie, pour mieux connaître les milieux militants désignés aujourd’hui sous le terme d’ « islamo – gauchistes », l’islamisation grossière d’une forme de féminisme, la pétition révoltante des « Indigènes de la République » ou les « idiots utiles » du relativisme culturel : ce petit essai de 166 pages est fort utile, et nous le conseillons.  

 

Il nous faudrait néanmoins revenir sur quelques points, de détail sans doute, mais qui soulignent nos différences, et parfois, les raccourcis de l’auteur. Il apparaît en premier lieu, qu’elle s’adresse à la gauche, au « Parti du mouvement », auquel elle dit appartenir. Le problème, alors, est que son analyse, reste de gauche, par la gauche et pour la gauche. C’en devient presque une histoire de famille. Elle ne dit mot de la lutte anti – totalitaire venant de droite, par exemple. Sans doute, n’est – ce pas le sujet, mais au final, on croirait que les sensibilités dites « anti – colonialistes » et « anti – fascistes » serait le seul fait de la gauche. En vérité, elle reste dans un schéma de gauche, qu’elle appelle « progressiste » et dont la gauche serait le tenant. Elle pêche là, nous semble – t – il, par opposition systématique et intrinsèque à la droite, comme si cette dernière ne pouvait incarner un vent progressiste et qu’elle se limitait à ce qu’on nomme le conservatisme, la tradition, voire la réaction. Au final, la droite n’apparaît que sous le nom de Nicolas Sarkozy[4], à qui elle reproche (le livre date de 2005) une politique communautaire, voire communautariste, sur le modèle anglo – saxon, privilégiant la création du CFCM[5], établissant l’archaïsme religieux au détriment des musulmans laïques. Procès un peu excessif sans doute, compte tenu de la difficulté d’organiser le culte musulman en France, sans pouvoir non plus, en exclure les sensibilités ; et procès dépassé sans doute, compte tenu des positions – nouvelles ou précisées, selon chacun – du candidat Sarkozy pour la conception républicaine laïque française, qui n’épouse pas la vision communautaire. La question, complexe, reste encore à se préciser dans les faits, chez ce dernier.

 

Mais elle pêche, plus, sans doute, par l’orthodoxie, non pas marxiste ou altermondialiste, mais à vrai dire « déconstructionniste »[6], qu’elle nomme «  progressiste », dont elle fait preuve, dans des domaines tels que le féminisme, l’homosexualité ou encore ce qu’elle nomme « raciste ». Si sa gauche à elle est sans doute préférable à l’autre gauche qu’elle dénonce, et plus ouverte, il n’en reste pas moins qu’elle tient des positions figées dans les domaines précités, percevant malgré tout l’Histoire comme un boulevard du « progressisme », où les relations entre hommes et femmes, entre homosexuels et hétérosexuels, ou autres catégories de personnes sont perçues comme des relations entre communautés, devant bénéficier de « droits » toujours plus accrus et plus égaux. Au diable alors la philosophie, la morale ou la nature qui pourraient démontrer quelques différences intrinsèques entre ces catégories construites. Ainsi serait rejetée dans le camp de la réaction, de la tradition, de l’archaïsme, voire de la droite donc, toute analyse, toute perception qui n’emprunterait pas ce boulevard. Or s’il est évident que l’égalité entre les hommes et les femmes est un but, que l’absence de discrimination quotidienne envers les homosexuels en est un autre, il nous semble qu’il ne faudrait pas gommer toute différence d’ordre biologique ou naturel, affirmant que l’homme et la femme, de par leur physiologie différente, ne peuvent pas être partout et indistinctement égaux dans tous les domaines du monde ; ni que les couples hétérosexuels et ceux homosexuels appartiennent à un ordre différent, donc participent à une situation différente, qui ne leur permet pas, en principe, d’accomplir le même type d’actes ( la procréation par exemple) et donc d’obtenir les mêmes droits (le mariage ou l’adoption par exemple).



Caroline Fourest . Frère TariqEt c’est parce qu’elle néglige ces questions morales et philosophiques qu’elle qualifie assez rapidement d’ « intégristes » certaines visions plutôt traditionnelles vis – à – vis des femmes ou des homosexuels. Ainsi, si elle démontre que Tariq Ramadan possède véritablement une vision archaïque et réactionnaire sur ces questions[7], de par sa vision fondée sur un certain islam, il ne faudrait pas pour autant qualifier ainsi tout propos qui refuserait – comme je l’ai fait – de voir les couples hétérosexuels et homosexuels comme de même nature morale et philosophique. C’est, il semble, pour les mêmes raisons qu’elle ne s’ancre pas au fond de la réflexion sur un thème comme la « colonisation » par exemple. En l’espèce, si elle dénonce, à juste titre la description faite par Pascal Blanchard et Nicolas Blancel d’un « idéal républicain et universaliste » intrinsèquement tenté par le « colonialisme », celle de Laurent Chambon d’une République qui se fait « particulariste contre les gays » ou la tentative d’Esther Benbassa de « démontrer que les républicains son racistes envers les musulmans comme jadis envers les Juifs », les qualifiant d’ « intellectuels actuellement complaisants envers l’islamisme » ; elle ne donne sans doute pas au lecteur les moyens de contrer ces propos outranciers et fumistes. Moyens qui nécessiteraient de resituer les phénomènes coloniaux dans leur ensemble – sans les limiter à leur seule phase européenne –, tant au niveau historique que dans leur composante philosophique et intellectuelle[8].

Caroline Fourest dit également appartenir à une gauche qui « s’est construite dans le rejet des idées moralistes, intégristes et totalitaires »[9].  Si nous nous rallions totalement à la lutte contre les deux derniers adjectifs, il nous faudrait plus de précision sur ce qu’elle entend par le premier. Voulait – elle dire « moralisantes » fustigeant ainsi une gauche ultra – dogmatique et figée, rejetant tout ce qui n’est pas comme elle ; ou bien entendait – elle par là, désigner tout mouvement qui justifierait son action par la morale ? Dans ce dernier cas, la proposition est troublante, faudrait – il rejeter la morale en tout point de vue ? N’y aurait – il pas là confusion entre la morale véritable, soit la Raison, et ce qu’on nomme habituellement « la morale chrétienne » ? Le point reste à préciser, nous ne trancherons pas.



Deux points restent encore à souligner. Sur le fond, l’auteur a tendance, là encore à sur – interpréter certains propos, selon ses propres préjugés. Ainsi qualifie – t – elle de « racistes »[10], les propos d’Oriana Fallaci dans La Rage et l’orgueil[11], dénonçant la forte démographie des musulmans comme une arme pour l’islamisation, de l’Europe notamment, nuisant à sa critique de l’islam comme idéologie. Si les propos peuvent lui déplaire, il apparaît fallacieux de les qualifier de « racistes ». Il est trop facile en effet de crier à la stigmatisation contre une catégorie de personnes dès qu’un propos les touche ; Oriana Fallaci s’en explique d’ailleurs par la suite dans La force de la Raison[12], en citant simplement des statistiques. Là encore c’est plus la forme du propos que le contenu qui choque, aboutissant à stigmatiser, non les musulmans, mais au contraire l’écrivain d’origine italienne, qui dénonçait justement l’élan à la dénonciation de tout propos marginal comme « raciste » dans l’intelligentsia européenne[13].

 

Enfin, sur la forme, d’un point de vue épistémologique cette fois, on a pu regretter l’utilisation trop creuse par Caroline Fourest de citations trouvées sur des forums de site internet ou de simple présence d’une personnalité à une réunion. Dans l’ensemble, certes, sa démonstration reste efficace et nous ne remettons pas en cause celle – ci, les propos et les participations de certains à des congrès et/ou réunions dites « islamo – gauchistes » étant trop récurrents pour pouvoir les négliger ou les considérer comme de la naïveté, comme elle l’explique. Simplement, il nous faut noter que parfois, de la même manière qu’elle a tendance à condamner trop rapidement un propos au nom d’un certain « progressisme » - en fait un « déconstructionnisme » -, elle s’appuie sur des propos relevés sur des forums, auxquels il sera toujours possible de répondre qu’ils ne sont pas le fait des tenants du site.

 

Si ces imperfections épistémologiques, méthodologiques, ou simplement philosophiques, viennent parfois nuancer la qualité de la démonstration, il n’en reste pas moins que celle – ci reste entière, pertinente et très utile, à l’heure ou la démagogie de l’alliance dite « islamo – gauchiste » a pénétré non seulement les militants d’une certaine gauche, mais aussi l’univers médiatique du pays.

 

 


[1] C’était déjà ce qu’exprimait Sartre dans sa préface virulente du livre de Frantz Fanon, Les damnés de la terre, Paris : Maspero, 1961 ; si virulente d’ailleurs qu’il avait dû ensuite revenir sur ses propos justifiant le meurtre des blancs comme « colons » par essence.

[2] Pascal Bruckner, Le Sanglot de l’homme blanc, Paris : Editions du Seuil, 1983, réédité collection Points en 2002

[3] Alexis Lacroix, Le socialisme des imbéciles. Quand l’antisémitisme redevient de gauche, Paris : La table ronde, 2005

[4] Page 109

[5] Conseil français du culte musulman

[6] Issu notamment de la philosophie de Michel Foucault, qu’elle cite dans son livre pour critiquer la lecture simpliste qu’en font les partisans du relativisme culturel, nous reprenons ce terme pour désigner au sens large la conception qui veut que, tout ayant été construit, tout doit être soumis à déconstruction, au risque de balayer de constructions non dépourvues de sens philosophique ou moral. C’est bien souvent ainsi que nous paraît pouvoir être décrit tout un ensemble de considérations et de positions venues de la gauche française (ou occidentale dans son ensemble, mais nous manquant là une connaissance approchée, nous préférons donc en rester au cas français). Un tel schéma permet d’expliquer, par exemple, l’opposition de gauche à toute tradition, vieille construction devant être déconstruite au profit d’une nouvelle construction. Bien entendu, il existe toujours un écart entre la théorie et la pratique, et l’esprit humain, bien souvent, fait preuve de réalisme et de pragmatisme, y compris lorsqu’il est bercé d’idéologie, d’autant plus dans une société libre.

[7] Page 105

[8] Certes, elle cite ces « intellectuels » au détour d’une phrase et n’insiste pas sur leur cas. Néanmoins, il nous semble qu’il n’est pas possible de répondre à leurs propos simplistes et accusateurs sans prendre en compte un certain nombre de questions philosophico – historiques et morales ; questions, justement, que Caroline Fourest, semble, au nom de son « progressisme » laisser de côté. Le caractère « colonialiste » par exemple n’est pas choquant en soi si on le replace dans son cadre civilisateur et éducationnel, cadre que nos sociétés post « décolonisations » ont en fait abandonné par mauvaise conscience. Ce n’est en fait que le sens péjoratif et dénonciateur que donnent Blanchard et Blancel à ce mot qui est en réalité contestable. Autrement, l’analyse ne nous paraît pas en soi si grossière, car toute entreprise universalisante pourrait être vu sous l’œil du « colonialisme », tout dépend du sens normatif que l’on prête à ce mot en réalité. Nous en touchons notamment un mot dans l'article sur Boutros Boutros – Ghali, Shimon Peres, 60 ans de conflit israélo – arabe.

[9] Page 12

[10] Page 70

[11] Oriana Fallaci, La Rage et l’orgueil, Paris : Plon, 2002

[12] Oriana Fallaci, La Force de la Raison, Paris : Editions du Rocher, 2004 que nous analysons ici : Orianna Fallaci : La force de la raison

[13] La manière avec laquelle, bien souvent, l’intelligentsia médiatique et politiqur qualifie le candidat Philippe de Villiers de « raciste » au motif qu’il a parlé d’ « islamisation progressive de la France » donne malheureusement raison à Fallaci.

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17 octobre 2008 5 17 /10 /octobre /2008 22:34

Jacques Attali, Une brève histoire de l’avenir, Paris : Fayard, novembre 2006

 

 

            J’avais quelque peu entendu parler de ce livre il y a deux ans, à sa sortie. J’en avais lu quelques passages et on me l’avait recommandé. Lire de l’ancien conseiller et bras droit de François Mitterrand à la présidence, savant reconnu et homme de gauche respecté, que d’ici 2050, c’est plus l’Europe de demain qui ressemblera à l’Afrique d’aujourd’hui plutôt que l’Afrique de demain qui ressemblera à l’Europe d’aujourd’hui ; voilà qui avait de quoi intéresser. D’autant que, quiconque est déjà allé faire un tour sur des sites dénoncés comme d’ « extrême droite » sait qu’on y voit, si rien n’est fait, un avenir similaire. Pour autant, sans porter aucun jugement sur l’une ou l’autre des perceptions de l’avenir, la lecture du livre de Jacques Attali dans son intégralité permet de voir que les raisons invoquées ne sont pas tout à fait les mêmes.

 

Jacques Attali . Une brève histoire de l'avenirAussi la lecture de l’avant-propos m’a donné envie de poursuivre ma lecture, pour voir si deux ans après sa sortie, un proche avenir déjà par rapport à 2006, quelques-unes des grandes lignes énoncées par l’économiste commençaient déjà à clairement pointer leur nez. Son idée majeure portant sur la poussée fatale de ce qu’il appelle l’ « Ordre marchand » (soit l’unique loi du marché ou ce que d’autres appellent encore l’ultralibéralisme ou ultracapitalisme), il allait de soi de le lire en pleine crise financière internationale.

 

Ecrire l’histoire de l’avenir : voici donc l’expérience originale et ô combien difficile que tente ici Jacques Attali. Un avenir qu’il découpe en trois vagues qui, selon lui, pourraient succéder à la « fin de l’Empire américain » :

 

            1° L’hyperempire : soit le règne de l’Ordre marchand. La victoire de l’esprit capitaliste, du règne de l’argent, du profit, du Capital sur toute autre grande valeur qui fonde notre vie, y compris sur la démocratie. On est en effet quelque peu secoué en lisant sous la plume d’Attali que ceux qui n’ont pourtant aucune histoire d’Ancien régime, et pour qui la Démocratie libérale est au fondement même de la naissance des Etats-Unis d’Amérique, pourraient basculer vers une dictature. C’est son avis et l’une de ses peurs.

 

            2° L’hyperconflit : soit le désordre relatif d’un monde atteint par la désintégration des Etats et du domaine public laissant libre cours à la piraterie, aux contestations violentes, néo-tribales, communautaires, terroristes. Bien que cette partie, plus géopolitique, fut celle envers laquelle je portais le plus d’intérêt à l’origine, elle fut quelque peu décevante, au sens où il est trop difficile de prévoir 20, 30, 50 ans à l’avance quel(s) conflit(s) pourrai(en)t l’emporter et déstabiliser le monde civilisé. Jacques Attali fait le tour de plusieurs hypothèses et en développe les conditions, il n’exclut pas le fait d’une troisième guerre mondiale encore plus destructrice que la seconde si quelques événements tournaient mal.

 

            3° L’hyperdémocratie : la troisième vague de l’avenir, celle qui succède aux deux vagues précédentes(négatives aux yeux de l’auteur), celle qui, dans un élan d’espoir (par moments un peu rêveur) vient réguler le marché, les guerres, la piraterie, la haute technologie, la génétique, l’éthique et rétablit une démocratie au niveau mondial. Une démocratie qui en définitive vainc les ambitions destructrices des dictateurs, des ultra-individualistes, des « ultra-nomades » de l’hyperempire économique, de l’ « hypersurveillance » et de l’ « autosurveillance » qu’auront permis les technologies de pointe et les nanotechnologies. Une démocratie mondiale de « transhumains » animant des « entreprises relationnelles » développant des « biens essentiels » et où l’altruisme, l’hospitalité et le respect du monde auront pris le dessus sur le profit. 

 

 

On ne contestera ici ni les connaissances ni les capacités de l’auteur à lire cet avenir. Mais l’ouvrage a ce défaut qu’on a parfois l’impression de lire un livre de science-fiction ; surtout lorsque l’auteur s’étale sur ce qui arriverait si l’humanité se laissait aller aux plaisirs de la reproduction génétique, du clonage, de la robotique et de la recherche de l’immortalité par la création éternelle d’autres ‘soi’. Sans doute l’exercice le veut, c’est vrai ; il n’empêche qu’on se demande parfois si Spielberg, Georges Lucas ou Woody Allen n’auraient pas eu une meilleure imagination. Or faute de pouvoir donc trop s’avancer, l’auteur reste parfois très général, si bien que sans doute, un véritable roman dans un style Dantec rationalisé aurait peut-être été plus passionnant.

Pour un livre sur l’avenir, le plus paradoxal est que l’apport de l’analyse de l’auteur, à mon sens, vient en fait de sa lecture de l’histoire … du passé. Un passé qu’il reprend dans les grandes lignes depuis la pré-histoire en passant par toutes les grandes civilisations, de la Chine des Xia jusqu’aux temps modernes, en passant par Ur, Sumer, Ninive, Babylone, l’Egypte ancienne et l’épopée de Gilgamesh — réflexion sur le désir moteur de l’Histoire — ou encore l’Inde du Nord et les Upanishad — représentation littéraire majeure d’une éthique faite du refus du désir, au contraire de l’épopée de Gilgamesh. Aussi Jacques Attali se fait-il analyste de lois de l’histoire, comme Marx avant lui qu’il cite souvent comme celui ayant su voir en grande partie les conflits qui pouvaient naître 50 ans à un siècle plus tard. On pourrait d’ailleurs reprocher au conseiller de François Mitterrand de tomber dans le même travers que son prédécesseur en voulant voir dans l’histoire une suite linéaire lisible, compréhensible et explicable scientifiquement, les événements allant à l’encontre de cette « science » et de ces « lois » historiques n’étant que des accidents ponctuels négligeables à l’échelle d’un temps long plus que braudélien[1]. Toutefois, à la différence de Marx, Jacques Attali ne prévoit évidemment pas la victoire des Travailleurs sur le Capital mais la poursuite de l’Ordre marchand jusqu’à sa régulation dans une démocratie mondiale qui le rende plus humain. Au fond pourrait-on aussi voir là aussi la volonté de lire une « fin » heureuse à l’histoire, qu’elle advienne par la classe ouvrière (chez Marx), ou par la régulation mondiale démocratique (chez Attali).

L’histoire d’une Histoire qu’on pourra débattre sans fin … justement.

 

Quoiqu’il en soit ce sont sans doute les trois premières parties du livre qui se révèlent en réalité les plus intéressantes, l’auteur extirpant sa théorie de l’avenir à partir d’une « brève histoire du capitalisme », de la victoire des marchands et des « cœurs » financiers sur le féodalisme et bientôt sur les Etats. Bruges ou ‘les prémices de l’Ordre marchand’ (1200-1350) ; Venise ou ‘la conquête de l’Orient’, 1350-1500 ; Anvers ou ‘l’heure de l’imprimerie’, 1500-1650 ; Gênes ou l’art de spéculer, 1560-1620 ; Amsterdam ou ‘l’art de la flûte’, 1620-1788 ; Londres ou ‘la force de la vapeur’, 1788-1890 ; Boston ou ‘l’explosion des machines’, 1890-1929 ; New York ou ‘la victoire électrique’, 1929-1980 et enfin Los Angeles ou ‘le nomadisme californien’ depuis 1980 : autant de villes-cœurs de l’Ordre marchand à une époque où ils ont su dominer ce dernier et lui donner une orientation. Un cœur qui devrait encore se déplacer d’ici 20 ans … mais pas si loin que ça… un peu de suspens ici aussi ne fera pas de mal.

 

 

 

 

 


[1] Braudélien : de Fernand Braudel, historien théoricien de l’Histoire longue par opposition à l’Histoire événementielle, grand représentant de « L’Ecole des Annales », professeur au Collège de France et auteur de La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, publiée pour la première fois en 1949.

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3 octobre 2007 3 03 /10 /octobre /2007 23:58

-         Guy Millière, Qui a peur de l’islam ! La démocratie est-elle soluble dans l’islam ?, Paris : Editions Michalon, mars 2004, 139p.

 

Guy Millière. Qui a peur de l'islam

 

Guy MillièrePhilosophe, économiste et traducteur proche des néo-conservateurs et l’un des rares intellectuels français à avoir officiellement et publiquement soutenu Georges W. Bush, chargé de cours à l’université Paris VIII, Guy Millière est l’un des rares intellectuels de ce niveau à passer outre le politiquement correct et à dire franchement ce qu’il pense. Auteur de Ce que veut Bush et de Pourquoi Bush sera réélu, il nous dit franchement dans ce petit essai, ce qu’il pense de l’islam comme religion telle qu’elle est, et comme territoires tels qu’ils sont. Petit essai de 139 pages, il ne faut guère s’attendre à une démonstration détaillée du Coran, des Hadiths et de toute la sunna. C’est un témoignage et une série de réflexions que nous donne Millière. Un témoignage sur sa jeunesse, ses voyages en terres d’islam, ses rencontres, ses amours, ses passions et ce qu’il a appris là-bas, parmi les gens comme parmi les textes. Il témoigne et s’interroge. Pourquoi toute tentative de réforme de l’islam s’est-elle endormie depuis la tentative mutazilite ? Pourquoi si peu dénoncent l’archaïsme islamique ? Comment les islamistes ont le texte pour eux ! Comment ce texte, contrairement à une histoire racontée, est une série d’ordres et de prescriptions faites aux musulmans ! Comment le Coran a été écrit quelques décennies après la mort de Mahomet. Sans que rien n’ait été prévu pour la succession de ce dernier. Comment l’islam, né dans le feu et l’épée, s’est étendu par le feu et l’épée, en totale application des principes érigés et retranscrits ! Conférant une supériorité morale et en droits aux musulmans, contre les infidèles. Soumettant de nombreuses populations et de nombreux peuples sous son joug. Pourquoi si peu s’élèvent ? Pourquoi ceux qui le font doivent se cacher et pourquoi les « musulmans modérés » observants restent si timides ? Pourquoi nulle part dans le monde on ne voit de réel soulèvement contre l’islamisme et pourquoi l’Occident ferait mieux de s’affirmer plutôt que de reculer face aux « soldats de l’islam militant » ?

 

Des questions auxquelles il donne ses réponses, ses convictions, appuyées par son expérience, ses témoignages et ses connaissances. Des réponses, aussi, dont il attend toujours le démenti.

Petit livre facile et rapide à lire, on y relit beaucoup de choses connues, mais si peu dites. Très accessible, il conviendra surtout au grand public, moins à un lecteur à la recherche d’éléments nouveaux. A ceci près des positions de Millière sur la Turquie. Une Turquie faisant figure de modèle possible pour un islam libéral, un islam réduit depuis Atatürk à sa position de religion pour les gens et non de religion d’Etat, « totaliste » et souvent totalitaire. Une Turquie où Erdogan serait un « démocrate-musulman » comme on trouve ailleurs des démocrates-chrétiens et où modernité et islam ne seraient plus contradictoires. Une Turquie que Millière souhaite voir intégrer l’Union européenne. Mais une Turquie qui en Islam fait encore figure d’exception et même d’opposition à l’islam tel qu’il se fait partout ailleurs. En « terre d’islam » ou ailleurs.

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10 janvier 2007 3 10 /01 /janvier /2007 14:59

 

Boutros Boutros–Ghali, Shimon Peres, 60 ans de conflit israélo–arabe. Témoignages pour l'Histoire. Entretiens croisés avec André Versailles, Bruxelles : Editions Complexe, janvier 2006

 

S'il ne fallait lire qu'un seul livre pour comprendre le conflit dit israélo–arabe, je ne vous conseillerais sûrement pas celui–là. Ouvrage de grand public, confrontant deux hautes personnalités établies, un Copte chrétien, issu de la haute bourgeoisie égyptienne : Boutros Boutros–Ghali, ministre des Affaires étrangères sous Anouar El–Sadate et ancien secrétaire général de l'ONU; et un israélien du parti travailliste, ayant assuré nombre de postes en Israël, dont celui de premier ministre à plusieurs reprises : Shimon Peres. Si vous souhaitez parcourir les évènements qui jalonnent ces 60 ans, découvrir quelques anecdotes sur les rencontres internationales et la manière d'être de certains hommes politiques d'envergure (Sadate, Kissinger, Carter, Begin ...), ou le quotidien d'un diplomate, alors sans doute ce livre vous plaira. En revanche, si vous entendez réellement comprendre les enjeux d'un conflit complexe, comprendre vraiment pourquoi des Juifs ont pu et peuvent revendiquer la Judée–Samarie, soit la rive occidentale du Jourdain, (ou simplement le pays d'Israël), comprendre pourquoi les révélations des nouveaux historiens israéliens, derrière Benny Morris, n'ont rien de choquantes, mais sont dans la logique des choses, si vous souhaitez lire une approche profonde du conflit, intellectuellement, philosophiquement, afin de comprendre pourquoi celui-ci dure, et si vous entendez en connaître les racines : alors ne le lisez pas, vous perdrez votre temps!

Si Boutros Boutros–Ghali, finalement, a au moins le mérite d'assumer des positions et des explications à la limite de l'antisionisme, Peres, lui, pêche trop souvent par excès de tiédeur et de minimisation. Dans cette optique, mieux aurait valu des entretiens avec un homme politique israélien de droite qui assume la réalité des choses et qui les explique clairement, prenant une posture plus agressive qu'un Shimon Peres bien trop diplomate, pour ne pas dire timide (même si, n'exagérons pas non plus, il se défend brillamment sur certaines questions essentielles). Mais dans l'ensemble, ce livre ressemble à une discussion télévisée qui durerait plus longtemps, trop d'ailleurs, le livre, un peu long, devenant un peu fatiguant.

S'il nous est impossible ici de reprendre tous les thèmes abordés, si mal abordés, à tel point que je vous conseillerais de lire l'exemplaire que j'ai moi–même annoté sur quasi toutes les pages, essayons toutefois de relever quelques passages qui en valent la peine. C'est surtout chez Boutros–Ghali qu'on les trouve. Il est intéressant, en effet, de relever à quel point ce Copte chrétien, qui ne parle que de « colonisation » européenne et israélienne, est incapable de se plonger dans une histoire plus longue qui l'amènerait bel et bien à parler de « colonisation » arabe. C'est incroyable, en effet, à quel point il peut faire preuve d'une forme de racisme anti–occidental, par moments et sans même s'en rendre compte, en intégrant la dhimmitude des chrétiens en terre dite d'Islam (qu'il ne critique pas une seule fois) au motif qu'il existe de hautes personnalités chrétiennes (comme lui-même) à la tête de certains gouvernements arabes dits modérés, sans même se dire que cette pratique trompeuse et coloniale était aussi celle des européens qui s'appuyaient sur les élites locales. Bien que critiquant souvent l'incompétence des gouvernements arabes successifs dans la gestion de leurs affaires, qui se focalisent à tort selon lui, sur Israël, il répète maintes fois (au grand dam de Malek Chebel qui prétend le contraire) que la « haine anti–israélienne, avec ses nombreux glissements vers l'antisémitisme [comme] phénomène populaire profond n'est pas le résultat d'une propagande d'Etat [...] les gouvernements arabes [essayant au contraire] de brider cette haine anti–israélienne et antiaméricaine [et] bien plus anti–israélienne qu'anti–américaine ». Pourtant, comme ici page 363, Boutros Boutros–Ghali ne paraît pas en être dérangé et continue à défendre le camp arabe à qui il faudrait, selon lui, donner plus. Malgré tous ses efforts, en effet, il ne prend aucune position véritablement critique sur ces faits, qu'il accepte comme tel, n'adoptant aucune posture de responsabilité envers les Arabes. Posture qui consisterait à dire que rien ne sera possible pour eux tant qu'il ne changeront pas de mentalité, et qu'il faudra les combattre tant qu'ils seront ainsi, car cette mentalité de type identitaire fermé, haineuse, voire xénophobe et raciste, est inacceptable. Ce point est effectivement essentiel. On ne peut admettre l'extrémisme d'un camp, au simple motif que c'est ainsi. Dans ce cas, alors, il aurait fallu faire avec la frustration des Allemands des années 30, les laissant accomplir leur projet. D'autant que l'idée de frustration et de responsabilité des autres dans le malheur de populations est, au regard des faits, peu défendable et assez malhnonnête pour les Arabes, comparé à d'autres peuples (Arméniens, Juifs, Indiens...). Et, alors que Boutros–Ghali cherche à pousser la logique côté israélien en la fustigeant, car sans essayer de les comprendre dans une optique comparatiste1, face à un Peres qui les minimise, au lieu d'en expliquer tout simplement le fondement sans aucun complexe; en revanche il ne pousse jamais la logique des choses du côté arabe. Ainsi, il est particulièrement intéressant de l'entendre refuser le terme de « minorités étrangères », page 125, pour les Arabes accueillis en Jordanie après la guerre de 1948 ou celle de 1967, au motif que les Arabes constituent un seul et même peuple, dôté d'une même identité, d'une même origine ethnique, d'une même religion à la base ...etc ... mais sans critiquer alors leur extension. Au fond, Boutros–Ghali par son réalisme, a en réalité les mêmes considérations que la droite sioniste, puis israélienne, Jabotinsky au premier chef. A la différence que ces derniers, une fois les faits établis, y portent une vision critique, nécessaire à toute réflexion, qui consiste à mettre en évidence qu'alors, comme l'a dit Jabotinsky, « les Arabes sont une nation qui a plusieurs Etats, alors que les Juifs sont une nation qui veut un Etat » et un seul, qui plus est, de taille ridicule – même dans sa version la plus grande – comparé à la surface sous domination arabe. Aussi Boutros–Ghali fait donc ici figure d'un piètre penseur; à moins que la simplicité de son propos s'explique par le statut « grand public » du livre, chose qui induit en fait les masses dans l'erreur. Après tout, on ne peut être tout à la fois, il est déjà grand diplomate. Par ailleurs, ce dernier se contredit dans son acceptation d'un seul et unique peuple arabe, dotée d'une identité, mais divisée en d'autres sous–unités, qu'il appelle également « peuple ». La confusion des termes touche là à son comble.
Car en effet, si un individu peut lui–même appartenir à plusieurs peuples, par le fait de l'histoire (la dispersion et les mariages mixtes surtout) comment un seul et même peuple peut -il en même temps être pluriel ?
Si on choisit de l'admettre en tout cas, alors faut–il le faire pour tous, et non seulement pour les Arabes. Il s'agit là d'un privilège intellectuellement injustifié. S'il existe bien des Jordaniens, des Irakiens, des Egyptiens, par la nationalité, par le découpage, souvent arbitraire d'Etats – et avant cela de royaumes ou principautés – le terme de peuple, dans le cas où l'on parle d'un seul peuple arabe, perd tout son poids
2. La sémantique prend donc toute son importance.

Pour résoudre cette complexité, nous observons alors que le droit utilisé par l'Etat d'Israël, distinguant l'appartenance à une nation – juive, arabe, ou druze – de l'appartenance à une nationalité – israélienne, libanaise, jordanienne ... - révèle toute son utilité (même si le cas des enfants mixtes, rend son application difficile3). A ce titre, il est également scandaleux que l'ancien secrétaire général des Nations–Unies qualifie de « minorités arabes » des peuples à part entière tels que les Druzes, voire les Coptes – auquel il appartient. . On se rend compte alors à quel point l'homme a intégré une domination arabe qu'il considère naturelle, niant l'identité tout à fait différente, tant ethnique, religieuse, culturelle, voire linguistique ... d'autres peuples, au motif que les Arabes les ont soumis depuis de nombreux siècles (C'est à se demander si son discours n'est pas à moitié guidé par la peur de menaces dans son pays, allons savoir). Cette représentation s'opère encore dans sa qualification de « terre arabe », soit pour les Arabes, toutes celles qu'il ont dominé un jour (c'est–à–dire Andalousie compris, mais également toute l'Espagne et le sud de la France, même s'il ne dit rien sur ces deux dernières régions). On ne sait, à vrai dire, souvent, s'il expose simplement la supposée mentalité arabe, ou s'il l'approuve et la défend : une chose est sûre, il ne s'offusque nullement contre ces considérations expansionnistes, dominatrices, impérialistes, voire racistes, alors qu'il caricature souvent le camp adverse.


Si donc, il fallait lire ce livre, ce serait plus pour découvrir les abberrations qui y sont dites.


1 Tel est le cas concernant l'expulsion d'Arabes pendnt la guerre d'indépendance qu'on ne peut comprendre que dans une optique comparatiste. Il est en effet tout simplement injuste sur le plan égalitaire que les pays arabes expulsent et massacrent les Juifs d'Hebron ou d'autres implantations situées à l'est du Jourdain, sans que mot ne soit dit, mais que les Juifs de leur côté ne puissent expulser les Arabes implantés au milieu des installations juives. Boutros – Ghali en effet, dénonce le massacre de Deir Yassine par des hommes de l'Irgoun et du Lehi, sans dire mot de tous les massacres arabes (au pluriel), non seulement pendant la guerre mais aussi avant celle - ci. Il dénonce par ailleurs sans aucune réflexion l'expulsion d'Arabes mais sans dire mot des expulsions et des massacres contre les Juifs. Or rappelons que toute guerre de libération nécessite le départ de ceux contre qui on estime se libérer. Si les Arabes du Proche – Orient ont expulsé les Juifs, si les Arabes d'Algérie ont expulsé les Pieds – noirs (et on pourrait multiplier les exemples avec nombre de populations), pourquoi les Juifs ne pourraient – ils pas expulser ceux qui sont, pour eux, leurs « colonisateurs hostiles » : les Arabes ? Voir sur ce point notre article Parce que le nationalisme n'est pas là où on le croit ! Boutros – Ghali va jusqu'à qualifier de « nettoyage ethnique » l'expulsion d'Arabes sans se rendre compte qu'alors tout mouvement de décolonisation constitue un « nettoyage ethnique ». C'est cette réalité et cette dureté machiavélienne et réaliste que Shimon Peres tait,au lieu de l'expliquer crument au lecteur. Que ce soit pour des raisons politiques ou par conviction, l'ouvrage montre là ses limites.


2Il faut en effet distinguer le cas, où par un hasard de l'histoire, immigration, changement de pays ... un individu pourra revendiquer une double appartenance (ex : Arabe et Français, Juif et Français ...), qui, déjà n'est pas un phénomène sans difficulté ni contestations; et le cas, tout à fait différent, où un individu se dirait Arabe et Jordanien par exemple, alors même que les Jordaniens s'insèrent dans un ensemble plus vaste, celui du peuple arabe, justement. On voit là apparaître une difficulté, due à l'implantation durable des Arabes dans de nombreux pays qu'ils ont envahi, qui ne saurait être traité aussi légèrement que ne le fait Boutros Boutros – Ghali.


3Voir sur ce point Moche Katane, Qui est Juif ? Le jugement de janvier 1970 de la Cour suprême d'Israël, Paris : Editions Colbo, 1990

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16 novembre 2006 4 16 /11 /novembre /2006 23:49

Jean Pierre Rioux, La France perd la mémoire. Comment un pays démissionne de son histoire, Paris : Perrin, 2006

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Jean Piere RiouxSpécialiste d'histoire politique et culturelle contemporaine, directeur de la revue scientifique Vingtième Siècle, chroniqueur à La Croix et à Sud-ouest, Jean pierre Rioux, professeur à Sciences Po, publiait en avril dernier La France perd la mémoire. Livre où il revient sur les conflits de mémoires qui touchent l'hexagone depuis plusieurs années. Bien qu'historien scientifique, universitaire, peu engagé, force est d'avouer que son livre est polémique. Nombre contesteraient ses analyses sur le bilan de santé d'une «Nation - mémoire», à son sens, peu encourageant. A vrai dire, nous ne contesterons pas vraiment cette vision des choses qui veut que les conflits de mémoires de différents groupes interposés, à travers différentes communautés, ont créé un climat douloureux et peu encourageant pour l'avenir de l'esprit national français. Communautarisée, divisée, racialisée, opposée, la France se porte mal. Pas de doute.

 

Pour autant, nous ne rejoignons pas toujours l'auteur dans ses sentiments citoyens. Ainsi, bien que chroniqueur à La croix, et préoccupé par la ferveur d'un projet national commun , il considère que le 29 Mai 2005 et le rejet du Traité pour une constitution européenne ont été un coup d'arrêt négatif à l'avenir national, divisant par là même, les générations. Sans revenir sur ce débat, ce point peut – être important pour comprendre l'orientation de l'historien.

Bien écrit et engagé, le livre reste malgré tout difficile d'accès, s'appuyant sur uns stylistique détournée, qui bien qu'engagée, rend la thèse peu vivace, et honnêtement un peu ennuyeuse. Il aurait sans doute eu plus de portée en étant plus vigoureux.

Mais l'apport essentiel du livre reste la vision d'ensemble maîtrisée, le regard d'un historien reconnu et confirmé sur certaines dérives des trente dernières années, dans le domaine de la mémoire des individus, des groupes et des communautés. Ainsi revient – il sur les premières virées des «pépés» de la France rurale et leurs mémoires régionales dans les années 70, sur l'exaltation des patrimoines dès 1980, sur cette obsession du tout patrimoine, du tout mémoire avec l'ouverture de l'année du patrimoine qui débouchera sur le succès des journées du patrimoine. Il s'attarde encore sur les «hésitations de mémoires», ces conflits sur la vision du passé émergeants à l'occasion de la commémoration de la révolution française en 1989. Enfin, aborde – t – il la question de l'enseignement de l'histoire de France et de ses mauvais résultats, avant de finir véritablement sur les difficultés dont nous ne sommes pas sortis autour des mémoires coloniales, l'Algérie surtout, qui constitue un tournant, qui porte un coup à la mémoire nationale française, et le reste des anciennes colonies, notamment les Antilles. Celles – ci s'inspirant également, dans une certaine mesure, des conflits mémoriaux touchant à Vichy et la seconde guerre mondiale.

Pourtant, nous étant entretenu avec l'auteur, nous avons été le plus troublé par son explication de la multiplication de ces conflits mémoriaux. Selon lui, les conflits de mémoires seraient à lier au présentisme, c'est – à – dire à un nouveau rapport au temps. Selon  Hegel en effet : «Le devenir humain est une historisation». La force d'une société disait encore Benjamin constant, est «d'immoler le présent à l'avenir», et c'est cela, selon Jean Pierre Rioux, que nous serions peut – être en train de perdre. En clair, selon lui, la mémoire nationale se nourrirait à la fois d'un héritage et d'un projet, or les médias[1], la société de consommation, l'écart culturel entre les générations[2], les vies à vitesses variables de temporalité ainsi, surtout, que le processus d'individualisation des choix que décrivait le grand Tocqueville, réduiraient voire anéantirait le projet futur commun. L'Homme démocratique ou l'Homme de paix de Tocqueville succomberait à l'activisme qui parie sur la quotidienneté sécurisante et à la monotonie répétitive du présent[3]. C'est particulièrement profond et intéressant. Ce serait en fait, le regard vers un certain passé, sans projet commun, qui relierait le conflit des mémoires aux mots de Tocqueville.

Loin de moi, l'idée de contester le message visionnaire et particulièrement impressionnant de Tocqueville, qui, dès 1830, réussit à percevoir des faits bien réels et considérables plus d'un siècle et demi plus tard. Pour autant, je crois qu'il est extrêmement contestable de lier la profusion des mémoires à ce phénomène, d'attribuer le regard conflictuel vers son passé au fait que le présent s'est routinisé et qu'il n'y a plus de perspectives d'avenir. O certes, je ne nierai pas la force du présentisme, ce que je conteste, c'est la réduction des conflits de mémoires à cette seule explication. D'une part, une telle vision fait disparaître l'extériorité des revendications mémorielles face à l'ancienne nation : le fait que les conflits naissent de populations soient immigrées- les populations maghrébines musulmanes pour l'Algérie -, soit anciennement contestées en tant que participant à la nation selon certains visions de la nation – le cas des juifs pendant la guerre -, soit naissent de populations éloignées et intégrées plus tardivement à la nation – le cas des Antillais. D'autre part, il faut aussi prendre en compte – même si celles ci peuvent nous déplaire - que les revendications mémorielles, même issues de groupes et de communautés, peuvent tout à fait elles – mêmes s'ancrer dans des projets nationaux, au même titre que d'autres, la reconnaissance de minorités ou de souffrances de minorités faisant partie du projet. Enfin, on pourrait tout à fait défendre brillamment la thèse que les conflits de mémoires et le présentisme, tout au contraire, participent de mouvement inverses, opposés et contradictoires. L'un s'inscrivant dans le «processus de civilisation» ou «civilisation des moeurs»[4] au sens de Norbert Elias, l'autre s'inscrivant au contraire parmi le retour des conflits, voire le retour de la violence ou de la barbarie (Thérèse Delpech) – que certains appellent "brutalisation"(Mosse, Audouin - Rouzeau) - symbolique d'abord, puis physique, peut – être, ensuite, dénoncée par certains auteurs.

Ainsi, si l'observation des faits, les conflits de mémoires, nous sont communs, leur explication nous paraît bien différent des raisons invoquées par Jean Pierre Rioux, dont la liaison avec le présentisme, originale et intéressante, nous paraît, malgré tout, limitée.

 

  
BIBLIOGRAPHIE

Crubelier(Maurice), La mémoire des français. Recherches d'histoire culturelle

Halbwachs(Maurice), Les cadres sociaux de la mémoire, Paris : PUF, 1948
et La mémoire collective, paris : PUF, 1925
Namer(Gérard), Halbwachs et la mémoire sociale, paris : L'Harmattan, 2000

-Mosse(George Lachmann), De la grande guerre au totalitarisme : la brutalisation des sociétés européennes, Paris : Hachette - Littératures, 1999, préface de Stéphane Audouin - Rouzeau
-Delpech(Thérèse), L'ensauvagement : le retour de la barbarie au XXIe siècle, Paris : Grasset, 2005

 


[1]    JM Cotteret, La démocratie téléguidée, Paris : Michalon, 2006

[2]    Sirinelli (Jean- François), Générations intellectuelles. Effets d'âge et phénomènes de génération dans le milieu intellectuel français, Paris : CNRS, 1987

[3]    Antoine(Agnès), L'impensé de la démocratie : citoyenneté, morale et religion chez Tocqueville, Paris : EHESS, Thèse sous la direction de Pierre Manent, 2002

[4]    Elias(Norbert), La civilisation des moeurs, Paris : Calmann – Lévy, 1991

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25 octobre 2006 3 25 /10 /octobre /2006 19:11

Elie Barnavi et Luc Rosenzweig, La France et Israël. Une affaire passionnelle, Paris : Perrin, septembre 2002

 

Elie BarnaviAmbassadeur d'Israël en France de décembre 2000 à octobre 2002, Elie Barnavi revient sur son parcours pendant deux ans, et accompagné de Luc Rosenzweig journaliste à Libération puis au Monde il pose un regard d'historien, et de professionnel sur les relations entre Israël et la France pendant ces deux années difficiles. Même s'il ne s'interdit pas quelques mobilisations de l'histoire afin de mieux comprendre certaines situations, il ne s'agit pas d'un livre d'histoire mais plutôt d'expérience. Et de l'expérience, Monsieur Barnavi en a! Et il l'exprime mieux à l'écrit qu'à l'oral, étant à mon sens un peu mou à la télévision par moments. Dans son livre en tout cas, il revient précisément sur plusieurs affaires et relations avec l'Elysée ou Matignon. Des remontrances de Jacques Chirac envers Ehud Barak, aux dîners élyséens, où selon Jean Marie Colombani[1] on emmétrait l'éventualité de la disparition d'Israël dans l'entourage de Jacques Chirac sans trop d'état d'âmes, les anecdotes sont nombreuses et intéressantes. En ce sens, ce livre est avant tout un témoignage.

Mais la connaissance de l'histoire, tout comme de la politique par le Professeur de l'Occident moderne à l'université de Tel Aviv, lui permet aussi d'analyser le caractère de certaines figures historiques ou d'analyser les tournants idéologiques en France comme en Israël. Ainsi, nous livre – t – il sa vision de Sharon, mais aussi de Shimon Pérès. Il est intéressant de revenir sur celle de Sharon. Selon Barnavi, il serait pessimiste à court terme, face à des peuples arabes, qui selon lui modifieraient les formes de leurs luttes mais n'accepteraient en réalité toujours pas la présence d'Israël et dont l'objectif resterait au fond le même qu'en 1948 : « Jeter les juifs à la mer ». Mais à long terme, Sharon aurait confiance en la capacité de l'Occident, même de l'Europe, à « prendre conscience des dangers que recèle un monde arabe incapable de sauter sur le coche de la modernité et travaillé par la passion mortifère de l'intégrisme terroriste » (c'est Barnavi qui traduit ce qu'il croît comprendre de Sharon, la citation est donc celle de Barnavi). En historien, Barnavi revient aussi sur les relations franco – israéliennes dans l'histoire, et notamment sur celles des travaillistes israéliens et des socialistes français. Le double mouvement me paraît tout à fait pertinent. D'un côté, des travaillistes en perte de pouvoir en Israël depuis le tournant de 1977 et la victoire historique de la droite, de l'autre une modification idéologique des socialistes français, marquée par la formation d'un Parti socialiste accueillant en son sein des formations gauchistes ayant toujours été hostiles à Israël, remplaçant la vieille SFIO de Guy Mollet, des vieux amis d'une autre génération. On pourrait même à mon sens, creuser l'évolution idéologique et politique, presque inverse, des deux formations.

Mais si Barnavi est finalement bien meilleur dans ses livres que sur les plateaux de télévision, c'est qu'il n'hésite pas à remettre la vérité à sa place sous la forme de petites boutades. Ainsi lorsqu'il commente l’aventure de Lionel Jospin en Judée Samarie, caillassé parce qu’il avait recommandé à ces auditeurs arabes d'arrêter de soutenir des mouvements comme le Hamas ou le Hezbollah. Lionel Jospin se faisait alors l'écho d'une vieille tradition socialiste, celle justement d'une autre génération, aujourd'hui politiquement et médiatiquement disparue, qu’il ne serait pas si mal de voir renaître. Et face au manque de soutien et aux risques de l'affaire, il en revînt à une position plus consensuelle envers les Arabes. Il fît bouche cousue. Mais, précise Barnavi, qu'avait-il dit de si méchant? Que le Hezbollah était une organisation terroriste? Et alors, ça ne l'est pas?

Un livre intéressant, rapide et facile à lire, que nous vous conseillons.

 


[1]              Jean-Marie Colombani, Tous Américains? Le monde après le 11 septembre 2001, Fayard, 2002

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10 juin 2006 6 10 /06 /juin /2006 15:12

Je connaissais Orianna Fallaci suite à la parution de La rage et l'orgueil en 2002. Sur le conseil d'une lectrice, j'ai entrepris la lecture de son dernier livre, La force de la raison, la suite - et pensait-elle, la conclusion - du précédent.

Les fans de la miss ne seront pas déçus. Certes le début paraît un peu répétitif, elle nous rabâche un peu les leçons d'histoire sur les invasions arabes et l'occupation qui suivit, de l'Espagne à l'indonésie, appelée "les conquêtes arabes" par les historiens. Cela dit, elle remet en place quiconque en fait une grande époque. Ce qui est dommage, c'est que son discours, comme toujours, n'est entendu que par ceux qui veulent bien l'écouter. Elle nous sort encore quelques histoires en Italie. Ce qui m'a, à ce propos, le plus frappé, ce sont les chiffres qu'elle donne; en fait, bien qu'elle dénonce l'Italie comme base avancée de l'Islam, le nombre de musulmans en France semble bien plus grand, même proportionnellement.

Mais finalement le plus intéressant se trouve dans ses multiples témoignages de grande journaliste internationale. Comme dans La rage et l'orgueil, elle nous parle de ses rencontres et de choses que nous n'avons pas connu, pas à mon âge en tout cas. Les phrases les plus choquantes sont en fait celle des "commandements de Khomeini", qui, une fois au pouvoir, dit comment épouser des filles de 5 ans, ou d'autres choses du genre.

Elle reprend également la thèse de Bat Ye'or sur l'Euro - arabie. Ce qu'elle en dit, suscite l'intérêt pour ce dernier.

 

Un livre évidemment, à lire dans son contexte, sans préjugés, sinon son discours devient inaudible et ça ne sert plus à rien.

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