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9 mars 2010 2 09 /03 /mars /2010 18:27

Publié dans Israël Magazine, février 2010

 

Yannick Haenel, Jan Karski, Mayenne : Editions Gallimard, novembre 2009, Collection L’Infini dirigée par Philippe Sollers

 

 Yannick-Haenel.-Jan-Karski.jpg

 

On commémorait le 27 janvier dernier le 65e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau. 65 ans après la guerre et malgré les réponses apportées par les historiens, on continue toujours à poser les mêmes questions : qui savait, que savaient-ils et pourquoi n’ont-il rien fait pour sauver les Juifs de l’extermination, de l’anéantissement ?

Jan Karski, lui, savait. Et il savait qu’on savait. Il savait que les gouvernements alliés savaient, que les Britanniques et les Américains connaissaient l’existence des camps de concentration et connaissaient le but de la solution finale. Jan Karski n’en a eu aucun doute, pour une raison simple : il leur a lui-même transmis l’information. Messager de la résistance polonaise, Jan Karski a traversé l’Europe plusieurs fois, au péril de sa vie. Il a visité le ghetto de Varsovie où l’ont introduit les chefs du Bund et du mouvement sioniste du ghetto, il a visité aussi le camp d’Izbica Lubelska, à soixante kilomètres à l’est de Varsovie, près de la ville de Belzec. Il a rapporté la parole des deux leaders et raconté le désespoir de ces gens promis à la mort. Pourtant personne ne l’a écouté. Depuis novembre 1942, il a multiplié les rencontres, conférences, réunions, en Grande-Bretagne puis aux Etats-Unis. Il a rencontré les grands décideurs alliés, tous les officiels britanniques, Antony Eden le ministre britannique des Affaires étrangères, il a rencontré Roosevelt. Tous savaient. Même avant Karski, tous savaient déjà, les services secrets ayant fait leur travail. Jan Karski a renforcé ce message, mais rien n’a changé, ils ne voulaient pas savoir, ils ne voulaient pas agir.

 

Jan Karski est resté un messager dont on n’a pas écouté le message. Dont on a préféré faire comme s’il n’existait pas. Mais hanté par la destruction des Juifs d’Europe, hanté par sa Pologne qu’on avait abandonnée aux Allemands puis aux Soviétiques, il continuait à témoigner. Karski a témoigné à nouveau dans le film Shoah, de Claude Lanzmann ; le premier chapitre du livre en est un commentaire, par Yannick Haenel. Dès 1944, Jan Karski après avoir transmis son message aux dirigeants alliés, l’a transmis au monde par son livre Story of a Secret State, best-seller aux Etats-Unis, puis traduit dans de nombreuses langues. Le chapitre 2 du livre en est un résumé. On y découvre le parcours de résistant de Jan Karski, de Lodz à New York. La vie de Jan Karski est devenue celle d’un résistant et d’un témoin. C’est pourquoi Yannick Haenel s’y arrête et en fait aussi dans un troisième chapitre, un roman, une fiction où il imagine les pensées de Jan Karski. Yannick Haenel s’identifie à Karski et se fait à son tour le témoin d’un témoin oublié, d’un témoin qu’on n’a jamais voulu écouter.

Le procédé peut paraître curieux : trois chapitres, trois formes littéraires. Ils permettent néanmoins de toucher le lecteur sous trois aspects divergents, le résultat est là. Lauréat du prix Interallié 2009, en plus du message transmis, le livre de Yannick Haenel nous fait découvrir un professeur de sciences politiques, un homme, un résistant, un témoin. Son livre donne l’envie de lire ceux de Karski lui-même. Lui qui fut résistant polonais dans une Pologne occupée pendant la guerre et après celle-ci, telle une résistance qui n’a pas aboutie ; lui qui fut le témoin d’un crime qu’on a laissé faire ; non pas un « crime contre l’humanité » mais un « crime commis par l’humanité ». Presque tout aussi dur envers les alliés qu’envers les Soviétiques et les nazis, les réflexions de Jan Karski sur l’abandon des Juifs par les alliés, les mensonges soviétiques, la bonne conscience occidentale et la résistance polonaise — abandonnée elle aussi, — ont de quoi faire réfléchir.

 

Jan Karski a reçu le titre de « Juste parmi les nations » à Yad Vashem, il est citoyen d’honneur de l’Etat d’Israël, il est décédé le 13 juillet 2000 à Washington.

 

Yannick Haenel est l’auteur de Cercle, il co-anime la revue Ligne de risque avec Philippe Sollers.

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