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21 novembre 2011 1 21 /11 /novembre /2011 10:33

Philip Roth, L'habit ne fait pas le moine, Paris : Gallimard, 2003 [1962], traduit de l'américain par Céline Zins

 

Philip-Roth.-L-habit-ne-fait-pas-le-moine.jpg

 

Deux nouvelles composent ce petit ouvrage : Défenseur de la foi et L'habit ne fait pas le moine. Toutes les deux sont extraites d'une des grandes œuvres de Philip Roth : Goodbye, Columbus.

 

Bien que le livre porte le titre le plus accrocheur des deux nouvelles, c'est en fait Défenseur de la foi qui prend l'essentiel de la place, et c'est aussi à mon sens, la meilleure des deux nouvelles.

 

Philip Roth y évoque en filigrane plusieurs thèmes à la fois juifs, américains et plus généraux. L'histoire se passe en 1945, aux Etats-Unis, dans l'armée américaine, dans une compagnie d'instruction, c'est-à-dire en phase d'intégration à l'armée, celle où tout soldat apprend ce que signifie être soldat. Le sergent Marx, ancien combattant en Europe, y est affecté, pour diriger des hommes. Il fait la connaissance d'un jeune soldat juif, Sheldon Grossbart, et de ses deux amis, juifs également. Parce que Marx est  juif lui aussi et reconnu comme tel, Grossbart entend obtenir quelques faveurs. Il lui demande d'abord le droit d'aller prier le vendredi soir. C'est en fait un moyen d'éviter des corvées. Un classique en période d'instruction[1]. Mais Grossbart va plus loin. Il se plaint d'bord de la nourriture non cachère[2], pas pour lui dit-il, pour ses amis. Puis il fait accroire que son père a envoyé une lettre à un député. Elle fut en fait écrite de ses mains. Et petit à petit il tente de jouer sur la corde de la solidarité religieuse avec Marx. Il argumente, il prend le cas des juifs d'Europe en exemple, eux qui dit-il, n'ont pas su se soutenir suffisamment pour éviter le malheur qui leur est tombé dessus. Il demande une permission de sortie, il évoque sa tristesse de ne pas pouvoir passer un seder (un repas de pâques) avec sa famille, un mois après la pâque juive. Il parvient même à se faire réformer de l'affectation dans le pacifique par un autre piston juif. Mais Marx a compris son petit jeu, et il a plus d'un tour dans sa poche.

 

Ce sont plusieurs dilemmes que souligne ici Philip Roth : le rapport de la laïcité avec les pratiques religieuses spécifiques (une question d'actualité en France, mais Roth parle des Etats-Unis de 1945), la question du communautarisme juif aux Etats-Unis (la France encore y est confrontée aujourd'hui, même si les juifs ne tiennent pas là le premier rôle), ou la solidarité communautaire ou religieuse. On pourrait aussi évoquer, pour les pistons, le phénomène inverse. Il n'est pas rare qu'un juif, bien au contraire, fasse couler d'autres juifs, justement pour éviter toute accusation de favoritisme. Roth ne laisse pas entièrement la question de côté.

 

Le tout est de toute façon plaisant, amusant et facile à lire. On n'a pas le temps de s'ennuyer. Même chose dans L'habit ne fait pas le moine qui raconte les souvenirs d'un jeune lycéen qui fait connaissance avec deux caïds plus ou moins reconvertis, Albie Pelagutti et Duke Scarpa, fils d'immigrants italiens. Néanmoins les messages portés par cette deuxième nouvelle me paraissent moins clairs. Même le titre ne semble pas coller parfaitement. Je retiendrai surtout cette nouvelle pour sa partie de base-ball, le sport culte des Américains, pourtant si ennuyeux à regarder. Albie, qui se fait passer pour un champion, est en fait un nul qui ne connaît pas même les règles. J'ai alors réalisé que je n'en savais pas plus que lui. Comme le dit le héros, seul un vrai américain comprend réellement le base-ball, c'est un peu comme le cricket en dehors du Common Wealth, ça n'intéresse personne.



[1] Il est intéressant de remarquer qu'en Israël, aujourd'hui, dans Tsahal, ce n'est pas le fait d'être juif qui donne une permission de s'éclipser pour la prière, mais d'être ou de se prétendre religieux, observant. C'est un bon moyen d'éviter de nettoyer les chiottes le matin. Les questions d'observances religieuses changent de forme mais restent les mêmes.

[2]  Ce cas en revanche ne se pose pas en Israël (à l'exception de quelques ultra-orthodoxes qui excellent dans l'exagération de la cacherout) puisque la nourriture à l'armée, est cachère.

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